La cuisine juive s'inscrit dans un ensemble culturel, religieux, social, linguistique
d'un groupe et ne prend du sens qu'à partir de lui. C'est un patrimoine ou plutôt un
"matrimoine" vivant, un art de faire transmis par nos mères et nos grands-mères. Patrimoine, il
est vrai, un peu particulier : il se hume, il se goûte, il se sent et il
se voit. Il est plus difficile à inventorier que des synagogues, des écoles, des
cimetières parce qu'il est très fragile et éphémère. Il varie d'une famille à l'autre,
d'une région à l'autre; il est l'objet de ruptures et il se modifie en fonction des
modes de vie et des habitudes alimentaires du moment.
En préparant, en cuisant, en nous alimentant, les mères et grand-mères sont des médiatrices culturelles. La
cuisine qu'elle confectionne, les recettes qu'elles échangent, constituent un langage
au féminin.
De la transmission à la réalisation s’opère souvent un décalage fréquent. Le modèle
de la transmission est incertain. La transmission s'effectue d'une manière
tâtonnante, voire même aveugle ; en effet, la réalisation de plats s'opère parfois
longtemps après ce qui a été regardé ou goûté. L'on peut parler ainsi de
« transmission différée». Retrouver les plats familiers de nos parents ou de nos
grands-parents, c'est continuer une généalogie, s'inscrire dans une histoire. C'est
aussi un désir de retrouver les saveurs de son enfance. La transmission se traduit
certes par une répétition, une invention aussi, un je ne sais qui, un je ne sais quoi de
différent, nous aurait dit le philosophe Wladimir Jankelevitch. Le label de bonne
cuisinière hiérarchise aussi les tables des familles. Et cette étiquette représente un
atout non négligeable pour la femme juive, une valeur ajoutée.
Savoir cuisiner apparaît donc comme absolument indispensable pour les jeunes femmes juives qui
se marient. Il y va de la santé et de la bonne économie de la famille, de sa
réputation mais aussi du respect de sa place dans l'univers symbolique du judaïsme.
Je soulignerais ainsi à travers les caractères de cette transmission, la fonction de
cette cuisine, les grands traits qui structurent les cuisines juives (séfarade et
ashkénaze) leurs variantes à travers le calendrier festif, l’ensemble de prescriptions
et de distinctions qui fonde la cuisine cascher, les modification, adaptations aux
cultures environnantes et innovations qui s’opèrent à l’heure présente.
L'article peut être consulté sur le site du judaisme d'Alsace et de Lorraine